Alfred de Vigny

Alfred Victor, comte de Vigny est un écrivain, dramaturge et poète français.



Catégories :

Écrivain français du XIXe siècle - Dramaturge français du XIXe siècle - Poète français du XIXe siècle - Auteur de romans historiques - Écrivain romantique - Romantisme - Poète romantique français - Poète romantique - Membre de l'Académie française - Académie des Jeux floraux - Personnalité de la Charente - Naissance en 1797 - Naissance en Indre-et-Loire - Décès en 1863

Alfred de Vigny
Alfred de Vigny par Antoine Maurin
Alfred de Vigny par Antoine Maurin

Activité (s) Poète, romancier, dramaturge
Naissance 27 mars 1797
Loches, France France, Ire République
Décès 17 septembre 1863
Paris, Flag of France.svg Empire français
Mouvement (s) romantisme
Genre (s) Poésie, théâtre, roman historique, roman romantique

Alfred Victor, comte de Vigny (27 mars 1797 à Loches, Indre-et-Loire - 17 septembre 1863 à Paris) est un écrivain, dramaturge et poète français.

Figure du romantisme, contemporain de Victor Hugo et de Lamartine – il fréquente le Cénacle – il rédigé parallèlement à une carrière militaire entamée en 1814 et publie ses premiers poèmes en 1822. Avec la publication de Cinq-Mars en 1826, il contribue au développement du roman historique français. Ses traductions versifiées de Shakespeare s'inscrivent dans le drame romantique, de même que sa pièce Chatterton (1835). Son œuvre se définit par un pessimisme essentiel, et une vision désenchantée de la société. Il développe à plusieurs reprises le thème du paria, incarné par le poète, le prophète, le noble, Satan et le soldat. Sa poésie est empreinte d'un stoïcisme hautain, qui s'exprime en vers denses et dépouillés, fréquemment riches en symboles, annonçant la modernité poétique de Baudelaire, Verlaine et Mallarmé.

Alfred de Vigny naît à la fin du XVIIIe siècle, au sein d'une famille issue de la vieille noblesse militaire. Après une vie de garnison monotone, où il passe quinze ans dans l'armée sans combattre, il fréquente les milieux littéraires parisiens et surtout le cénacle romantique de Victor Hugo. De 1822 à 1838, il rédigé des poèmes, (Poèmes antiques et modernes), des romans, (Cinq-Mars, Stello), des drames (La Maréchale d'Ancre, Chatterton) et des nouvelles, (Servitude et grandeur militaires) qui lui apportent la célébrité. Après une rupture sentimentale avec Marie Dorval et la mort de sa mère, Alfred de Vigny se retire au Maine-Giraud, son domaine localisé en Charente. Il goûte la solitude et veille auprès de sa femme malade et constamment alitée. De retour à Paris, il se mêle de nouveau à la vie politique et littéraire. Il parvient en 1845 à se faire élire, à la cinquième tentative, à l'Académie française. Par contre il échoue à la députation de Charente en 1848.

S'ensuivent vingt-cinq années durant lesquelles il vit presque reclus, dans sa tour d'ivoire du Maine-Giraud, avec Mme de Vigny pour seule compagnie, venant rarement à Paris. Il rédigé peu, médite et lit énormément. Il décède d'un cancer de l'estomac, après une lente agonie qu'il supporte avec patience et stoïcisme. Son recueil posthume Les Destinées est publié en 1864. Son Journal est révélé en 1867.

Biographie

Enfance et jeunesse

Loches, ville natale de l'écrivain

Il naît dans une famille issue de la noblesse. Victor de Vigny, le grand-oncle d'Alfred, est admis chevalier de l'ordre de Malte en 1717[1]. Son grand-père maternel, Didier de Baraudin, est écuyer et chef d'escadre dans la marine royale[2]. Son manoir du Maine-Giraud, localisé près d'Angoulème, et où l'écrivain finira ses jours, n'est pas un fief mais un domaine acquis en 1768.

Son père est un ancien officier vétéran de la guerre de Sept Ans, âgé d'une soixantaine d'années et presque infirme quand Alfred vient au monde. Sa mère, âgée d'une trentaine d'années, a déjà donné naissance à trois enfants, tous morts en bas âge. Alfred incarne le dernier espoir de continuer la lignée.

En 1799, après la fin de la Révolution, les Vigny quittent Loches et s'installent à l'Élysée-Bourbon, alors divisé en logements privés. Alfred, dès son plus jeune âge, suit une éducation exemplaire, dirigée par sa mère, suivant à la lettre les préceptes de L'Émile : bains glacés, régime sec, exercices physiques, surtout escrime et tir, enseignement des mathématiques, de la musique, de la peinture. Il est l'âme du foyer, objet d'une affection tyrannique. Les murs de l'appartement sont recouverts de portraits de l'enfant. Son père lui fait embrasser la croix de Saint-Louis chaque soir avant de se coucher.

En mars 1804, Napoléon ayant fait don de l'Élysée à Murat, les Vigny déménagent 1, rue du Marché d'Aguesseau[3], puis ultérieurement au 68, rue du Faubourg-Saint-Honoré[4]. En 1807 on l'envoie au collège Hix, rue Matignon, où ses bonnes manières et ses excellentes notes lui attirent l'hostilité de ses camarades. Il y expérimente la solitude. Au lycée Bonaparte, il prépare avec sérieux mais sans enthousiasme Polytechnique. Après la chute de l'Empire, il est affecté le 6 juillet 1814 à la première Compagnie rouge, celle des gendarmes du roi, avec le grade de lieutenant.

Carrière militaire

Alfred de Vigny à dix-huit ans

Sa carrière militaire dure plus de dix ans et n'est guère exaltante. Blessé au genou lors d'une manœuvre, il escorte néanmoins la calèche de Louis XVIII fuyant le retour de Napoléon pendant les Cent-Jours. En 1816, à la Deuxième Restauration, il passe dans l'Infanterie de la Garde royale, au grade de sous-lieutenant. Il végète dans les compagnies rouges, mène la vie de garnison monotone et sans éclat.

En 1822 il est appelé lieutenant titulaire de son régiment, l'équivalent de capitaine[5]. Il espère prendre part à l'expédition d'Espagne en 1823, mais un autre bataillon est désigné pour partir. Cependant il sent qu'il peut concrétiser là-bas ses rêves de gloire militaire. Le 55ème régiment de ligne étant supposé franchir les Pyrénées, il accomplit les démarches nécessaires à sa mutation. Lors d'une étape à Angoulême, il prend huit jours de congé pour visiter une de ses tantes, qui a pris possession du Maine-Giraud. Cette distraction compromet ses plans. Quand il retrouve son régiment à Bordeaux, la guerre d'Espagne est quasiment finie, Ferdinand VII ayant été rétabli sur le trône. Il ne se passe plus rien jusqu'en 1827, date à laquelle il jette l'éponge et quitte l'armée. Il tire profit de son temps libre pour lire et faire des vers, préparant son entrée dans le monde littéraire.

La figure du romantisme

Othello traduit en vers devient Le More de Venise

Son premier texte publié est un essai sur l'œuvre de Byron, dont les œuvres complètes viennent de paraître en 1820. Le Bal, son premier poème, est publié la même année. Les deux textes paraissent dans Le Conservateur littéraire, la revue de Victor Hugo. Vigny le fréquente, mais aussi Charles Nodier, Alexandre Soumet et le reste du Cénacle. Il devient ami de Victor Hugo et publie en 1822 un recueil de poésie, sous couvert d'anonymat. L'ouvrage passe inaperçu. Le 22 octobre de la même année il est témoin du mariage de Hugo avec Adèle Foucher. Il est reçu chez Sophie Gay, désireuse de le voir épouser sa fille Delphine, la «Muse de la patrie», mais Mme de Vigny fait obstacle au projet.

Son «aventure» espagnole est pour lui l'occasion de composer Le Trappiste, Dolorida et Eloa, poèmes bien accueillis qui contribuent à éclairer son nom. En 1824 il participe à La Muse française, fréquente le salon de Virginie Ancelot et fait la connaissance de Marie de Flavigny, future comtesse d'Agoult. Tandis qu'il est en garnison à Bayonne, il s'éprend d'une Anglaise, Lydia Bunbury, qu'il épouse l'année suivante.

En 1826, il s'installe à Paris avec sa femme et publie Les poèmes antiques et modernes et Cinq-Mars, premier vrai roman historique à la française. Reconnu comme le Walter Scott français, il s'essaye aussi au théâtre, avec une adaption en vers d'Othello. La première représentation à la Comédie française, le 24 octobre 1829, est houleuse, et préfigure Hernani. Il assiste sagement à la création de la pièce le 25 février 1830, aux côtés surtout de Théophile Gautier et Gérard de Nerval. Un mois plus tard, Christine d'Alexandre Dumas enfonce le clou du théâtre romantique. Après la première du 30 mars, Dumas prie Hugo et Vigny de corriger son texte, ce qui est chose faite dans la nuit même[6].

Le dramaturge à succès

Marie Dorval à l'Odéon, dans le rôle de Kitty Bell (Chatterton)

La révolution de Juillet réveille en lui le pessimisme. Il réagit vivement devant les erreurs répétées des gouvernements de la Restauration. Les ordonnances du ministère Polignac le font douter de la politique. La Maréchale d'Ancre, représentée à l'Odéon le 25 juin 1831, avec laquelle il fait sa véritable entrée au théâtre, exprime ces doutes. À travers ce drame historique il se prononce pour l'idée de l'abolition de la peine de mort en matière politique.

C'est à cette époque qu'il entame une liaison tumultueuse avec Marie Dorval[7], après lui avoir fait une cour respectueuse. Mais Vigny, d'un tempérament jaloux et possessif, s'accommode mal du mode de vie de l'actrice, sans cesse sur les routes au sein d'une troupe de comédiens ambulants. La promiscuité des chambres fait craindre le pire au poète. Dorval est alors célèbre pour ses rôles dans Antony ou Marion Delorme — drames romantiques par excellence. Comme elle a l'ambition de brûler les planches de la Comédie Française, il lui rédigé Quitte pour la peur (1833), gracieux proverbe qui doit prouver qu'elle peut tout jouer. Elle le harcèle de nouveau pour qu'il écrive une autre pièce, un drame cette fois : Chatterton. La pièce, rédigée en douze jours et créée le 12 février 1835 à la Comédie-Française, rencontre un succès prodigieux. Sand, Musset, Sainte-Beuve, Du Camp, Berlioz font partie du public et applaudissent en chœur l'auteur et la comédienne, qui triomphe dans le rôle de Kitty Bell.

Désillusions et pessimisme

Chatterton est tiré d'un roman philosophique que Vigny venait de publier : Consultations du Docteur Noir : Stello ou les Diables bleus (1832). Stello est un récit mêlé d'histoire, de philosophie et de roman qui rappelle Sterne et Diderot. À travers les trois exemples d'André Chénier, Nicolas Gilbert et Thomas Chatterton, Vigny développe, dans un ton amer et désabusé, l'idée que la vie moderne tranforme le poète en paria. Le poète est un être à part, un génie malheureux, inadapté au quotidien, que le monde trivial fait souffrir, qui vit dans une profonde solitude. Écrasé par les matérialités de la vie, il est contraint, s'il veut subsister, de devoir accepter des fonctions utilitaires qui le détournent de sa mission. Cette conception amère de la poésie préfigure la vogue des poètes maudits.

Servitude et Grandeur Militaires (1835), est une autre œuvre en prose. Vigny se penche sur la figure du soldat, autre paria de la vie moderne. Trois récits illustrent la condition humaine du militaire, écartelé par son devoir d'obéissance et sa conscience d'homme libre.

L'avenir semble lui appartenir mais aux alentours de 1837 tout s'assombrit : la mort de sa mère, sa rupture avec Marie Dorval et des brouilles successives avec ses anciens amis du Cénacle le font quitter le devant de la scène. Sa production s'arrête brusquement, ainsi qu'à l'exception de quelques poèmes dans la Revue des deux mondes, publiés à de longs intervalles, il ne publie plus rien de son vivant.

La retraite au Maine-Giraud

Vigny, croqué par Mérimée

Il se retire dans son domaine de Charente, le Manoir du Maine-Giraud à Champagne-Vigny (anciennement Champagne-de-Blanzac), pendant les vingt-cinq dernières années de sa vie. Là il veille sur sa femme Lydia, presque infirme et silencieuse. Il publie au compte-gouttes ses poèmes, fruits d'intenses méditations : La Mort du loup (1838), La Colère de Samson (1839), Le Mont des oliviers (1839) sont nées dans ce que Sainte-Beuve nomme abusivement la tour d'ivoire. Eloigné des salons littéraires parisiens, il n'en demeure pas moins attentif au monde des lettres. Il s'attire à lui l'amitié de jeunes écrivains et prend soin de corriger les ébauches qu'ils lui envoient.

Vigny se présente vainement à plusieurs reprises à l'Académie. Il endure les visites et réceptions des académiciens, pour la majorité hostiles au romantisme ainsi qu'à ses idées[8]. Il est finalement élu le 8 mai 1845. La réception a lieu le 29 janvier 1846. Son discours, célébrant le romantisme, est d'une longueur inhabituelle. Qui plus est il omet de faire l'éloge du roi Louis-Philippe. La réponse de Mathieu Molé est cinglante. Molé critique ouvertement le courant romantique et les œuvres du poète. Il ne se prive pas pour nier leur mérite et condamner leur manque de vérité, ce qui achève de mortifier l'auteur[9]. D'autre part, Vigny échoue à faire élire Balzac à l'Académie le 18 janvier 1849, malgré le soutien de Hugo[10]. Le poète ne réussit pas davantage à se faire élire député de Charente, après s'être présenté deux fois aux élections en 1848 et 1849.

Vigny retourne à Paris en octobre 1853. L'Empereur Napoléon III le reçoit. Ils avaient fait connaissance l'année précédente, lors de la tournée de propagande du souverain. L'écrivain ne tarde pas à devenir partisan du Second Empire. Il reçoit d'autre part la visite d'un Jules Barbey d'Aurevilly admiratif et de Charles Baudelaire lors de sa candidature à l'Académie, campagne qui se révèlera désastreuse. Les deux poètes sympathisent. À cette époque, il multiplie les liaisons amoureuses, avec Louise Colet, l'ancienne maîtresse de Flaubert et de Musset, puis avec Elisa Le Breton et enfin avec Augusta Bouvard, toutes deux à peine âgées de vingt ans.

Quelques années plus tard, en décembre 1862, sa femme Lydia décède. Vigny la rejoint le 17 septembre 1863. Il souffrait depuis quelques années d'un cancer à l'estomac.

L'œuvre de Vigny

L'œuvre poétique

Nul autre, parmi les romantiques, n'est aussi personnel que Vigny : dans la majorité de ses poèmes, il exprime un "moi" hautain et jaloux. Cependant, il se met rarement en scène : Il est tantôt Moïse, tantôt Samson, tantôt Jésus même (cf. le Mont des Oliviers), et ses plus belles pièces se présentent presque toutes comme des symboles; à l'expression de ses sentiments, il donne, en les détachant pour ainsi dire de sa personnalité, une valeur et une portée générales. La solitude, à laquelle condamnent le génie, l'indifférence des hommes, la trahison de la femme (cf. sa relation avec Marie Dorval), l'impassibilité de la Nature et le silence de la Divinité en présence de nos maux, la résignation stoïque qu'il convient de leur opposer, telles sont les idées maîtresses de ce poète philosophe.

On le dit fréquemment artiste laborieux et chagrin, l'invention verbale lui manquerait, et la veine, et le souffle. Il n'a fait, d'ailleurs, en tout, qu'une quarantaine de morceaux dont on a pu dire que énormément sont obscurs, entortillés. Dix ou douze uniquement mériteraient de survivre, comme Moïse, la Bouteille à la mer, la Mort du loup, la Maison du berger, le Mont des Oliviers, la Colère de Samson, etc. Mais ceux-là valent ce que la poésie française a produit qui plus est beau.

Le précurseur du roman historique

Cinq Mars n'est pas le premier roman historique français. Victor Hugo, après avoir rédigé Bug-Jargal, l'histoire d'une romance sur fond de révolte des esclaves à Saint-Domingue en 1791 (publié dès 1820), publie en 1823 Han d'Islande, un roman d'inspiration gothique. L'intrigue, localisée en Norvège en 1699, et les personnages sont conçus à partir «de matériaux historiques et géographiques»[11]. L'idée du livre est née des romans de Walter Scott. Les Waverley novels sont traduits par Defauconpret en France dès 1816. La popularité de Scott prend une dimension sans équivalent en France et en Europe. Hugo, comme Vigny, puis ensuite Balzac et Mérimée, est un héritier de Walter Scott. [12]. Il est le premier à s'emparer de cet héritage ainsi qu'à tenter d'adapter les conceptions de l'écrivain écossais au récit français, démarche louée par Vigny :

«Vous avez posé en France les fondements de Walter Scott. Votre beau livre sera pour nous comme le pont de lui à nous et le passage de ses couleurs à celles de la France. [13]»

Cette lettre annonce son travail à venir sur Cinq Mars. En même temps qu'il loue le roman de Hugo, Vigny regrette qu'il n'ait pas fait un pas qui plus est et naturalisé le roman historique aux couleurs de la France. Il considère Han d'Islande comme une étape et une œuvre de transition. Il souhaite créer une œuvre en prose assez large, identique aux grands poèmes épiques. Dans les romans de Scott, les personnages principaux sont fictifs, l'histoire et les grands hommes apparaissent en toile de fond du récit. Vigny renverse ce choix narratif et place les hommes illustres au premier plan, procédé qui contribue à créer un genre hybride entre le roman et l'histoire, ainsi qu'à créer un décalage entre le fait historique et l'action[14].

De fait, Cinq-Mars cristallise l'épineux problème du rapport entre histoire et fiction, et de la vraisemblance narrative. Sainte-Beuve juge le roman «complètement manqué comme historique». Il reproche à l'auteur de mal peindre l'histoire — reproche récurrent auquel n'a pas échappé Scott. Il relève, dans cet «ingénieux roman», «calculé comme une partie d'échec», «la fausseté de la couleur, le travestissement des caractères, les anachronismes de ton perpétuels». Pour être le Walter Scott français, «M. Vigny n'eut jamais, pour réussir à pareil rôle, la première des conditions, le sentiment et la vue de la réalité.»[15]

Vigny publie sa théorie du roman historique dans la troisième édition de Cinq-Mars (1827), dans une préface intitulée «Réflexions sur la vérité dans l'art». Il défend l'idée d'un récit qui «peaufine l'évènement pour lui donner une grande signification morale». Répondant aux critiques qui lui reprochent ses écarts d'imagination et de poésie, il affirme que la liberté qu'il prend avec l'histoire est «la liberté que les Anciens portaient dans l'histoire même», car «à leurs yeux l'histoire était aussi une œuvre d'art»[16]Clio était la Muse de l'Histoire sous l'Antiquité.

L'œuvre dramatique

Les récits philosophiques

Réception et postérité

Vigny est en premier lieu pour la critique le poète d'Éloa et de Moïse :

Sainte-Beuve : «Il est de cette élite de poètes qui ont dit des choses dignes de Minerve. Les philosophes ne le chasseront pas de leur république future.», «il a eu le droit de dire à certains jours et de se répéter à son heure dernière : J'ai frappé les astres du front[17] Éloa est qualifiée d'«acte de haute poésie», «éclatant produit d'un art tout pur et désintéressé.»[18]

Théophile Gautier : «Peu d'écrivains ont réalisé comme Alfred de Vigny l'idéal qu'on se forme du poète», Éloa étant qualifié de «poème le plus beau, le plus parfait peut-être de la langue française.» Gautier apprécie généralement «la proportion exquise de la forme et de l'idée.»[19]

Barbey d'Aurevilly : Vigny est «un de ces poètes pour lesquels on donnerait l'ensemble des Académies de la terre.»[20] Pour lui Vigny «avait résolu le problème éternel manqué par l'ensemble des poètes, d'être pur et de ne pas être froid.» Éloa représente «le fond incommutable de son génie», c'est «l'Athalie du romantisme». Barbey, évoquant Moïse, parle de «grandeur du sentiment et de l'idée», d'«ineffable pureté des images», de la «solennité de l'inspiration», de la «transparence d'une langue qui a la chasteté de l'opale.»[21]

Leconte de Lisle : «La nature de ce rare talent le circonscrit dans une sphère chastement lumineuse et hantée par une élite spirituelle particulièrement restreinte, non de disciples, mais d'admirateurs persuadés. (... ) De ce sanctuaire sont sortis, avec une discrétion légèrement hautaine à laquelle j'applaudis, ces poèmes d'une beauté pâle et pure, toujours élevés, graves et polis comme l'homme lui-même.», «l'élévation, la candeur généreuse, la dignité de soi-même et le dévouement religieux à l'art, suffisent à l'immortalité de son nom.»[22]

Flaubert : «Ça m'a l'air d'un excellent homme, ce bon de Vigny. C'est du reste une des rares honnêtes plumes de l'époque : grand éloge ! Je lui suis reconnaissant de l'enthousiasme que j'ai eu jadis en lisant Chatterton. (Le sujet y était pour énormément. N'importe. ) Dans Stello et dans Cinq-Mars il y a également de jolies pages. Enfin c'est un talent plaisant et distingué, et puis il était de la bonne époque, il avait la Foi ! Il traduisait du Shakespeare, engueulait le bourgeois, faisait de l'historique. On a eu beau se moquer de tous ces gens-là, ils domineront pour longtemps toujours tout ce qui les suivra.»[23]

Rémy de Gourmont : «Vigny, au milieu de sa poésie incertaine et techniquement inhabile, a eu le bonheur de créer cinq ou six vers qui sont entrés et qui restent dans l'ensemble des mémoires ; mais lorsque on se reporte au texte, ils sont trop fréquemment encadrés d'expressions assez médiocres. Il traîne après lui trop d'images usées, trop de déités, trop de songes livides, trop de savants penseurs et trop de fronts d'albâtre ! Ce romantique l'est vraiment resté bien peu, après avoir devancé dans la forme comme dans l'inspiration presque tous ses contemporains. Il les a influencés tous, et Victor Hugo, pour se faire une philosophie, n'a eu qu'à contredire celle de Vigny. Mais Hugo est tombé dans une grande banalité de pensée. Alfred de Vigny, du moins, n'est jamais banal, sa pensée est toujours haute en même temps que hautaine. On peut détester son parti pris, ses dédains, son mépris ; on ne lui reprochera jamais d'avoir humilié l'esprit, car il a rédigé Le Cor, La Maison du berger, La Mort du loup, et , malgré quelques faiblesses de verbe, il y a peu de choses qui soient plus belles.»[24]

Le jeune Marcel Proust, dans son célèbre questionnaire, déclare que Baudelaire et Vigny sont ses deux poètes préférés[25], jugement qu'il confirme à la fin de sa vie : «je tiens Baudelaire — avec Alfred de Vigny — pour le plus grand poète du XIXe siècle.»[26]. Parlant de La colère de Samson, il relève «l'extraordinaire tension» du poème. L'un des vers de ce poème servira d'épigraphe et apportera le titre de Sodome et Gomorrhe. [27] Pour Proust, le mystère ajoute aux qualités du poète : «Tout autant dans ses poésies calmes Alfred de Vigny reste mystérieux, la source de ce calme et de son ineffable beauté nous échappe.»[28]

Liste chronologique des œuvres

Poèmes antiques et modernes, page de titre de l'édition 1829

Notes et références de l'article

  1. Gonzague Saint Bris, Alfred de Vigny ou la volupté et l'honneur, p. 49
  2. Il prétendait être marquis et amiral. Gonzague Saint Bris, op. cit. , p. 55
  3. Rue Montalivert actuelle, derrière la place Beauveau
  4. Voir chronologie de Patrick Berthier dans Servitude et grandeur militaires, éd. Folio
  5. Voir la chronologie de la vie de Vigny, établie par André Jarry, et reprise dans l'édition Poésie Gallimard des Poèmes antiques et modernes et des Destinées
  6. Gonzague Saint Bris, op. cit., p. 151
  7. Alfred de Vigny et Marie Dorval (préface de Ariane Charton), Lettres à lire au lit, Correspondance amoureuse d'Alfred de Vigny et Marie Dorval (1831-1838) , Mercure de France, Paris, 2009 
  8. épisode relaté dans le Journal d'un poète
  9. Elle est en ligne sur le site de l'Académie
  10. Walter Scott Hastings, «Balzac, lettres à sa famille», Albin Michel, Paris, 1950, p. 291
  11. Lettre à Adèle Hugo, 16 février 1822
  12. Balzac avec Les Chouans1829, Mérimée avec Chronique du règne de Charles IX, 1842. Voir «Le modèle de Scott et trois romans historiques français : le début et les fins» [1]
  13. Lettre de Vigny à Hugo, février-mars 1823.
  14. Pour plus de détails, voir Cinq-Mars, préface de Sophie Vanden Abeele-Marchal ; LGF, 2006
  15. Sainte-Beuve, Panorama de la littérature française, p. 1195
  16. Voir préface de Cinq-Mars.
  17. Sainte-Beuve, Panorama de la littérature française : portraits et causeries, p. 1206
  18. Sainte-Beuve, op. cit., p. 1191-1192
  19. Théophile Gautier, Histoire du romantisme, suivie de Notices romantiques, p. 141
  20. Barbey d'Aurevilly, Les quarante médaillons de l'Académie
  21. Barbey d'Aurevilly, Les Œuvres et les hommes : Les Poètes.
  22. Leconte de Lisle, Les Poètes contemporains Alfred de Vigny (Leconte de Lisle)
  23. Lettre à Louise Colet, 7 avril 1854 [2]
  24. Rémy de Gourmont, Promenades littéraires, Cinquième série. [3]
  25. Marcel Proust, Marcel Proust par lui-même, dans Essais et articles, p. 33
  26. Marcel Proust, À propos de Baudelaire, dans Essais et articles, p. 314
  27. Il s'agit du vers : La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome
  28. Marcel Proust, À propos de Baudelaire, dans Essais et articles, p. 317

Bibliographie

Biographie

Voir aussi

Liens et documents externes


Précédé par
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Fauteuil 32 de l'Académie française
1845-1863
Suivi par
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